Il y mettrait le coeur et le sourire comme il l'a fait pendant la semaine des restaurants.
Son leitmotiv? Faire découvrir la gastronomie au plus grand nombre, que voisins et voisines, jeunes et moins jeunes puissent venir sans avoir peur de la douloureuse. Du néophyte au gastronome
patenté, il y a de la place pour tout le monde et c'est ça l'impertinence, casser les codes.
D'abord formé chez lui en Allemagne dans le 3 macs de Jean-Claude Bourgueil, il enchaîne sur Don Alfonso, 3 étoiles au pied de la botte (Italie). La France devient alors son graal gastronomique,
il essaye vainement d'intégrer la brigade de Michel Bras avant de se retrouver chez Michel Trama à Puymirol, ou la rencontre avec la Paloise Sarah vaudra à elle seule l'expérience…Il enchaîne
ensuite sur l'Oasis à La Napoule, et finira son tour des tables étoilées chez Pierre Gagnaire à Paris, avant de finalement s'installer en Allemagne et d'obtenir à son tour une étoile
Michelin.Et puis une petite
lassitude commence à se faire sentir, une envie de bouger, de passer à autre chose et ce sera le pays Basque qui sera tiré du chapeau. Un retour au pays pour Sarah et une belle région qui
deviendra vite "d'adoption" pour Fabian.
Comme je l'ai dit plus haut, il fut la semaine dernière le seul "gastro" à participer à la semaine des restaurants, l'occasion pour moi de goûter à sa cuisine et d'avoir envie d'y retourner au
plus vite pour "approfondir".
Ce que je peux en dire aujourd'hui, c'est que mes plats "découvertes" tenaient déjà bien la route, équilibrés, naturels et bien gérés au niveau des textures.
Une petite truite de Banka marinée façon "grava lachs", fenouil, agrumes lançait tranquillement les hostilités pour enchaîner sur un canard, choux dans tous ses états et blanc mangé à l'amande
parfaitement exécuté. Belle cuisson du palmipède, liaisons et légumes raccords, on sera dans le bon jusqu'au sauçage final au délicieux pain tiède maison, pas de problème. Dessert gourmand comme
il faut: ganache au chocolat, glace tonka et écume au caramel beurre salé, gourmand je vous dis!Pour 29€, il flotte une belle odeur que les réservations bouclées
dés le premier jour de la semaine ne sont pas venues contredire. Bravo!
Carte des vins bien pensée au juste prix à l'instar de ce Macon Verzé "Le chemin Blanc" de Nicolas Maillet à une trentaine d'euros.
Cette belle soirée, cet avant-goût dirais-je, ainsi que les planches de surf aperçues en cuisine m'ont donné envie d'aller taquiner un peu plus l'Impertinent.
Fabian Feldmann s'est laissé gentiment aller au petit jeu du question/réponse, et je pense qu'après ça, vous n'aurez plus qu'une envie, aller faire ripaille à Biarritz.
Guten tag ou Egun On? (bonjour en Allemand et Basque)
- "Egun On!"
C'est normal les planches de surf dans la cuisine?
-"Avec les gars, si on a le temps pendant la mise en place, si on est bon niveau timing, une petite sortie à l'océan détend et soude l'équipe".
La cuisine, une vocation?
-" Pas vraiment, j'étais parti pour faire des études de droit puis j'ai changé de voie. Ma mère venant de la frontière Française, j'ai été marqué par les repas chez ma tante qui cuisinait
vraiment très bien. Les déjeuners qui durent, la convivialité qui en ressort et le plaisir l'ont emporté et ont orienté mon avenir".
Ton ustensile préféré?
-" La cuillère, c'est elle en dernière ligne. Elle permet le dressage, elle est pour moi synonyme de plaisir, de goût, d'assaisonnement et d'équilibre".
Ton Ingrédient préféré?
-" Le poisson tendance canaille, genre Merlu ou Thon de ligne de Saint-Jean-De-luz".
Usage de Métro? (pas le moyen de transport pour ceux qui n'auraient pas compris)
-"Alcool, sel et éventuellement pâtes pour les déj du personnel, mais je suis vraiment partisan de la flexibilité dans le bon et ne travaille qu'en réseaux locaux. Que ce soient les producteurs,
les pêcheurs, biocoop, livraisons ou pas."
En fait, je pense qu'il n'y avait pas mieux comme question pour Fabian de par son engagement en terme de produit et de qualité. Il se qualifie lui même d'"extrême mais non dogmatique". Il a été
marqué par sa rencontre avec Peter Kunze, biologiste d'abord occupé à "compter les grenouilles" mais passionné de potager. Avec un ami "ermite" passionné comme lui, il commence à échanger des
semences, puis se met à en collectionner du monde entier jusqu'à ce qu'ils reprennent tels un duo de choc une jardinerie abandonnée.
S'en est suivi des plantations à n'en plus finir et l'analyse du produit toujours dans l'intérêt gustatif. Ainsi ils sèment des radis qui poussent en fleurs, donnant des fruits comparables à des
mange-tout saveur radis. On est dans l'idée de ne pas manger ce que l'on croit.
J'étais déjà dans une démarche de travailler le maximum de variétés. J'avais des producteurs bio en Autriche et le lundi, j'allais aider aux champs et repartais les bras chargés de légumes,
c'était du troc et c'était top!".
Toujours dans cette idée, "J'aime l'interprétation des légumes par Michel Bras et l'importance qu'il donne aux garnitures, par exemple, je ne trouve pas que le ris de veau soit supérieur à
ce qui l'entoure".
Aujourd'hui au Pays Basque, "J'aime voir ces personnes engagées qui produisent une ancienne variété superbe de maïs, ou d'anciennes souches de canards locaux. J'aime voir cette ancienne variété de tomate s'accommoder avec tel ou tel produit ou comment le pêcheur va traiter le poisson une fois sorti de l'eau. C'est d'autant plus important car je considère que c'est la fraîcheur qui fait la noblesse de la bête. La sole ou encore le turbot ont ça de noble qu'ils peuvent se conserver. Mais quand on me livre le poisson à 11h et qu'à midi il est dans l'assiette, chinchards Tacauds et cie peuvent aussi révéler leur grandeur".
Avant de revenir en cuisine, le sport?
-"Comme un exutoire, la fin d'un service évacue le stress? la course à pied aussi. J'essaye de me tenir à un marathon par an, avec la pratique que cela induit. Ca me fait du bien, lave l'esprit
et entretien le corps. Je ne dis pas non à un peu de surf aussi, évidemment!".
La musique?
-" Tout style pêchu pendant la mise en place, ça crée un effet boost. Du Hip-hop, métal ou autres je peux passer chez moi à un beau morceau de classique apaisant".
Revenons à nos moutons, un plat qui t'a ému?
-" La lisette à peine cuite en gelée, oignon et vinaigre de Troigros. Il y a tout, acidité, finesse et cuisson parfaite. Je garde aussi un beau souvenir d'un dessert d'El Bulli".
Un chef, une idole?
-"Mmmm comme chef phare je pourrais peut-être citer Pierre Gagnaire, je n'y suis pas resté longtemps, cela aurait pu mieux se finir, mais il a contribué à l'ouverture de la cuisine, mêlant
parfaitement dernières techniques et respect parfait du beau produit".
Le plat dont tu es fier?
-"Un curry vert Thaï classique servi en dessert, c'est un mélange harmonieux qui ne pose pas de problème en version sucré, il représente la recherche de l'équilibre entre divers paramètres tels
que l'amertume ou l'acidité".
Meilleur souvenir en cuisine?
-" Toute la période que j'ai passé chez Don Alfonso en Italie".
Pire souvenir?
-" Chez Bourgueil en Allemagne, je me suis retrouvé chef poissonnier et un jour, alors que le resto était complet et qu'il faisait très chaud, ma farce citronnée garnissant le Turbot a tournée,
pas terrible du tout…".
Vision de la gastronomie Basque?
-"Ils n'ont plus rien à prouver de l'autre côté de la Bidassoa, entre Mugaritz, Arzak, Martin Berasatagui et les autres, on est déjà dans un centre névralgique de la haute gastronomie mondiale.
De notre côté, les choses bougent de plus en plus avec toute une génération de chefs jeunes, engagés et motivés tels que Nicolas Borombo (Kaïku à Saint-Jean), Vivien Durand (Eguiazabal, Hendaye),
Fabrice Idiart (La réserve, Saint-Jean), Rémi Escale (Zokomoko, Saint-jean), David Ibarboure (Brikéténia, Guétary), Stéphane Rosier (Les Rosiers, Biarritz), Alexandre Bousquet (l'Atelier,
Biarritz), Manu Michel (Léonie, Biarritz), Seb du Sen's Biarritz, Lionel Ellisalde (Chez Martin, Bayonne) ou encore Patrice de Jean des Sables (Hossegor). Je pense que l'on a tous un bel esprit
de qualité".
Bilan de la Semaine des restaurants?
-"Que du positif, je vois ça comme une démystification du restaurant gastronomique, on casse les codes et l'image prétentieuse qui nous colle encore un peu aux fesses. Au pays Basque, je trouve
que les populations se mélangent déjà bien, sur une planche dans l'océan, tout le monde est pareil; au restaurant, ce devrait être pareil. La dernière fois, un dentiste était surpris et heureux
de voir une table de jeunes à l'Impertinent, et c'est vrai que j'adore constater ce "melting pot".
La semaine des restaurants demande juste une organisation spécifique, c'est un peu une semaine de vacances. Un seul menu à faire c'est beaucoup plus facile à tous les niveaux, une véritable
bouffée d'oxygène même si on sera content de retrouver le jus d'un service normal la semaine prochaine!
On aurait pu doubler la capacité de la salle, on ne va pas s'en plaindre, mais plutôt reprendre part à cette belle initiative dés la prochaine édition!
Merci Fabian, Laster Arte!